Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/92

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phiques qui enregistreraient des vibrations sonores. Examinez de près les faits qu’on déclare témoigner d’une exacte correspondance et comme d’une adhérence de la vie mentale à la vie cérébrale (je laisse de côté, cela va sans dire, les sensations et les mouvements, car le cerveau est certainement un organe sensori-moteur) : vous verrez qu’ils se réduisent aux phénomènes de mémoire, et que c’est la localisation des aphasies, et cette localisation seule, qui semble apporter à la doctrine paralléliste un commencement de preuve expérimentale.

Or, une étude plus approfondie des diverses aphasies montrerait précisément l’impossibilité d’assimiler les souvenirs à des clichés ou à des phonogrammes déposés dans le cerveau : à mon sens, le cerveau ne conserve pas les représentations ou images du passé ; il emmagasine simplement des habitudes motrices. Je ne reproduirai pas ici la critique à laquelle j’ai soumis jadis la théorie courante des aphasies — critique qui parut alors paradoxale, qui s’attaquait en effet à un dogme scientifique, mais que le progrès de l’anatomie pathologique est venu confirmer (vous connaissez les travaux du Pr Pierre Marie et de ses élèves). Je me bornerai donc à rappeler mes conclusions. Ce qui me paraît se dégager de l’étude attentive des faits, c’est que les lésions cérébrales caractéristiques des diverses aphasies n’atteignent pas les souvenirs eux-mêmes, et que par conséquent il n’y a pas, emmagasinés en tels ou tels points de l’écorce cérébrale, des souvenirs que la maladie détruirait. Ces lésions rendent, en réalité, impossible ou difficile l’évocation des souvenirs ; elles portent sur le mécanisme du rappel, et sur ce mécanisme seulement. Plus précisé-