Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/98

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tions pour la rendre inoffensive, et il est vraisemblable que certaine mécanismes sont spécialement chargés de rejeter dans l’inconscient les images ainsi introduites, car elles seraient fort gênantes dans la vie de tous les jours. Telle ou telle d’entre elles pourrait cependant, ici encore, passer en contrebande, surtout quand les mécanismes inhibitifs fonctionnent mal ; et sur elles encore s’exercerait la « recherche psychique ». Ainsi se produiraient les hallucinations véridiques, ainsi surgiraient les « fantômes de vivants ».

Plus nous nous accoutumerons à cette idée d’une conscience qui déborde l’organisme, plus nous trouverons naturel que l’âme survive au corps. Certes, si le mental était rigoureusement calqué sur le cérébral, s’il n’y avait rien de plus dans une conscience humaine que ce qui est inscrit dans son cerveau, nous pourrions admettre que la conscience suit les destinées du corps et meurt avec lui. Mais si les faits, étudiés indépendamment de tout système, nous amènent au contraire à considérer la vie mentale comme beaucoup plus vaste que la vie cérébrale, la survivance devient si probable que l’obligation de la preuve incombera à celui qui la nie, bien plutôt qu’à celui qui l’affirme ; car, ainsi que je le disais ailleurs, « l’unique raison de croire à l’anéantissement de la conscience après la mort est qu’on voit le corps se désorganiser, et cette raison n’a plus de valeur si l’indépendance de la presque totalité de la conscience à l’égard du corps est, elle aussi, un fait que l’on constate ».

Telles sont, brièvement résumées, les conclusions auxquelles me conduit un examen impartial des faits connus. C’est dire que je considère comme très vaste, et même