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LA PLANTE ET L’ANIMAL

unique grandit, plus elle trouve difficile de maintenir unis dans le même être vivant les deux éléments qui, à l’état rudimentaire, sont impliqués l’un dans l’autre. De là un dédoublement, de là deux évolutions divergentes ; de là aussi deux séries de caractères qui s’opposent sur certains points, se complètent sur d’autres, mais qui, soit qu’ils se complètent soit qu’ils s’opposent, conservent toujours entre eux un air de parenté. Tandis que l’animal évoluait, non sans accidents le long de la route, vers une dépense de plus en plus libre d’énergie discontinue, la plante perfectionnait plutôt son système d’accumulation sur place. Nous n’insisterons pas sur ce second point. Qu’il nous suffise de dire que la plante a dû être grandement servie, à son tour, par un nouveau dédoublement, analogue à celui qui s’était produit entre plantes et animaux. Si la cellule végétale primitive dut, à elle seule, fixer et son carbone et son azote, elle put presque renoncer à la seconde de ces deux fonctions le jour où des végétaux microscopiques appuyèrent exclusivement dans ce sens, se spécialisant d’ailleurs diversement dans ce travail encore compliqué. Les microbes qui fixent l’azote de l’atmosphère et ceux qui, tour à tour, convertissent les composés ammoniacaux en composés nitreux, ceux-ci en nitrates, ont rendu à l’ensemble du monde végétal, par la même dissociation d’une tendance primitivement une, le même genre de service que les végétaux en général rendent aux animaux. Si l’on créait pour ces végétaux microscopiques un règne spécial, on pourrait dire que les microbes du sol, les végétaux et les animaux nous présentent l’analyse, opérée par la matière que la vie avait à sa disposition sur notre planète, de tout ce que la vie contenait d’abord à l’état d’implication réciproque. Est-ce, à proprement parler,