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LA PLANTE ET L’ANIMAL

vraiment élémentaires, elles portent, croyons-nous, une marque à laquelle on les reconnaît.

Cette marque est comme la trace, encore visible en chacune d’elles, de ce que renfermait la tendance originelle dont elles représentent les directions élémentaires. Les éléments d’une tendance ne sont pas comparables, en effet, à des objets juxtaposés dans l’espace et exclusifs les uns des autres, mais plutôt à des états psychologiques, dont chacun, quoiqu’il soit d’abord lui-même, participe cependant des autres et renferme ainsi virtuellement toute la personnalité à laquelle il appartient. Il n’y a pas de manifestation essentielle de la vie, disions-nous, qui ne nous présente, à l’état rudimentaire ou virtuel, les caractères des autres manifestations. Réciproquement, quand nous rencontrons sur une ligne d’évolution le souvenir, pour ainsi dire, de ce qui se développe le long des autres lignes, nous devons conclure que nous avons affaire aux éléments dissociés d’une même tendance originelle. En ce sens, végétaux et animaux représentent bien les deux grands développements divergents de la vie. Si la plante se distingue de l’animal par la fixité et l’insensibilité, mouvement et conscience sommeillent en elle comme des souvenirs qui peuvent se réveiller. D’ailleurs, à côté de ces souvenirs normalement endormis, il en est d’éveillés et d’agissants. Ce sont ceux dont l’activité ne gêne pas le développement de la tendance élémentaire elle-même. On pourrait énoncer cette loi : Quand une tendance s’analyse en se développant, chacune des tendances particulières qui naissent ainsi voudrait conserver et développer, de la tendance primitive, tout ce qui n’est pas incompatible avec le travail où elle s’est spécialisée. Par là s’expliquerait précisément le fait sur lequel nous nous sommes appesantis dans le précédent chapitre, la formation de méca-