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LES DIRECTIONS DE L’ÉVOLUTION

potentielle, comme si le reste de l’organisme était là pour passer de la force au système nerveux et aux muscles que les nerfs actionnent. Certes, quand on songe au rôle que joue le système nerveux (même sensori-moteur) comme régulateur de la vie organique, on peut se demander si, dans cet échange de bons procédés entre lui et le reste du corps, il est véritablement un maître que le corps servirait. Mais déjà l’on inclinera à cette hypothèse si l’on considère, à l’état statique pour ainsi dire, la répartition de l’énergie potentielle entre les tissus ; et l’on s’y ralliera tout à fait, croyons-nous, si l’on réfléchit aux conditions dans lesquelles l’énergie se dépense et se reconstitue. Supposons, en effet, que le système sensori-moteur soit un système comme les autres, au même rang que les autres. Porté par l’ensemble de l’organisme, il attendra qu’un excédent de potentiel chimique lui ait été fourni pour accomplir du travail. C’est, en d’autres termes, la production du glycogène qui réglera la consommation qu’en font les nerfs et les muscles. Supposons, au contraire, que le système sensori-moteur soit vraiment dominateur. La durée et l’étendue de son action seront indépendantes, dans une certaine mesure au moins, de la réserve de glycogène qu’il renferme, et même de celle que l’ensemble de l’organisme contient. Il fournira du travail, et les autres tissus devront s’arranger comme ils pourront pour lui amener de l’énergie potentielle. Or, les choses se passent précisément ainsi, comme le montrent en particulier les expériences de Morat et Dufourt[1]. Si la fonction glycogénique du foie dépend de l’action des nerfs excitateurs qui la gouvernent, l’action de ces derniers nerfs est subordonnée à celle des nerfs qui ébranlent les

  1. Archives de physiologie, 1892.