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MÉCANISME ET CONCEPTUALISME

considérer toute courbe plane comme décrite par le mouvement d’un point sur une droite mobile qui se déplace, parallèlement à elle-même, le long de l’axe des abscisses, — le déplacement de la droite mobile étant supposé uniforme et l’abscisse devenant ainsi représentative du temps. La courbe sera alors définie si l’on peut énoncer la relation qui lie l’espace parcouru sur la droite mobile au temps employé à le parcourir, c’est-à-dire si l’on est capable d’indiquer la position du mobile sur la droite qu’il parcourt à un moment quelconque de son trajet. Cette relation ne sera pas autre chose que l’équation de la courbe. Substituer une équation à une figure consiste, en somme, à voir où l’on en est du tracé de la courbe à n’importe quel moment, au lieu d’envisager ce tracé tout d’un coup, ramassé dans le mouvement unique où la courbe est à l’état d’achèvement.

Telle fut donc bien l’idée directrice de la réforme par laquelle se renouvelèrent et la science de la nature et la mathématique qui lui servait d’instrument. La science moderne est fille de l’astronomie ; elle est descendue du ciel sur la terre le long du plan incliné de Galilée, car c’est par Galilée que Newton et ses successeurs se relient à Kepler. Or, comment se posait pour Kepler le problème astronomique ? Il s’agissait, connaissant les positions respectives des planètes à un moment donné, de calculer leurs positions à n’importe quel autre moment. La même question se posa, désormais, pour tout système matériel. Chaque point matériel devint une planète rudimentaire, et la question par excellence, le problème idéal dont la solution devait livrer la clef de tous les autres, fut de déterminer les positions relatives de ces éléments en un moment quelconque, une fois qu’on en connaissait les positions à un moment donné. Sans doute le problème ne se