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BIOLOGIE ET PHYSICO-CHIMIE

paraît se donner, ils seraient moins envoyés par elle qu’attirés hors d’elle par une espèce d’aspiration ou de succion du milieu ambiant[1]. De proche en proche, on étendra ce mode d’explication aux mouvements plus complexes que l’Infusoire lui-même exécute avec ses cils vibratiles, lesquels ne sont d’ailleurs, probablement, que des pseudopodes consolidés.

Toutefois, il s’en faut que les savants soient d’accord entre eux sur la valeur des explications et des schémas de ce genre. Des chimistes ont fait remarquer qu’à ne considérer même que l’organique, et sans aller jusqu’à l’organisé, la science n’a reconstitué jusqu’ici que les déchets de l’activité vitale ; les substances proprement actives, plastiques, restent réfractaires à la synthèse. Un des plus remarquables naturalistes de notre temps a insisté sur l’opposition des deux ordres de phénomènes que l’on constate dans les tissus vivants, anagenèse d’un côté et catagenèse de l’autre. Le rôle des énergies anagénétiques est d’élever les énergies inférieures à leur propre niveau par l’assimilation des substances inorganiques. Elles construisent les tissus. Au contraire, le fonctionnement même de la vie (à l’exception toutefois de l’assimilation, de la croissance et de la reproduction), est d’ordre calagénétique, descente d’énergie et non plus montée. C’est sur ces faits d’ordre catagénétique seulement que la physico-chimie aurait prise, c’est-à-dire, en somme, sur du mort et non plus sur du vivant[2]. Et il est certain que les faits du premier genre paraissent réfractaires à l’analyse

  1. Berthold, Studien über Protoplasmamechanik, Leipzig, 1886, p. 102. — Cf. l’explication proposée par Le Dantec, Théorie nouvelle de la vie, Paris, 1896, p. 60.
  2. Cope, The primary factors of organic evolution, Chicago, 1896, p. 475-484.