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L’ÉVOLUTION DE LA VIE

l’exercice de la fonction et n’exigent pas, par conséquent, tout un système de remaniements complémentaires pour que la plante reste viable. Mais il n’en est pas de même chez l’animal, surtout si l’on considère un organe tel que l’œil, d’une structure très complexe en même temps que d’un fonctionnement très délicat. Ici, l’on chercherait en vain à identifier ensemble des variations simplement solidaires et des variations qui sont, en outre, complémentaires. Les deux sens du mot « corrélation » doivent être distingués avec soin : on commettrait un véritable paralogisme en adoptant l’un d’eux dans les prémisses du raisonnement, et l’autre dans la conclusion. C’est pourtant ce qu’on fait quand on invoque le principe de corrélation dans les explications de détail pour rendre compte des variations complémentaires, et qu’on parle ensuite de la corrélation en général comme si elle n’était qu’un ensemble quelconque de variations provoqué par une variation quelconque du germe. On commence par utiliser l’idée de corrélation dans la science courante comme pourrait le faire un avocat de la finalité ; on se dit que c’est là simplement une manière commode de s’exprimer, qu’on la corrigera et qu’on reviendra au mécanisme pur quand on s’expliquera sur la nature des principes et qu’on passera de la science à la philosophie. On revient alors au mécanisme, en effet ; mais c’est à la condition de prendre le mot « corrélation » dans un sens nouveau, cette fois impropre au détail des explications.

En résumé, si les variations accidentelles qui déterminent l’évolution sont des variations insensibles, il faudra faire appel à un bon génie, — le génie de l’espèce future, — pour conserver et additionner ces variations, car ce n’est pas la sélection qui s’en chargera. Si, d’autre part, les variations accidentelles sont brusques, l’ancienne fonc-