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L’ORTHOGENÈSE

tion ne continuera à s’exercer, ou une fonction nouvelle ne la remplacera, que si tous les changements survenus ensemble se complètent en vue de l’accomplissement d’un même acte : il faudra encore recourir au bon génie, cette fois pour obtenir la convergence des changements simultanés, comme tout à l’heure pour assurer la continuité de direction des variations successives. Ni dans un cas ni dans l’autre, le développement parallèle de structures complexes identiques sur des lignes d’évolution indépendantes ne pourra tenir à une simple accumulation de variations accidentelles. Arrivons donc à la seconde des deux grandes hypothèses que nous devions examiner. Supposons que les variations soient dues, non plus à des causes accidentelles et internes, mais à l’influence directe des conditions extérieures. Voyons comment on s’y prendrait pour rendre compte de la similitude de structure de l’œil dans des séries indépendantes au point de vue phylogénétique.

Si Mollusques et Vertébrés ont évolué séparément, les uns et les autres sont restés exposés à l’influence de la lumière. Et la lumière est une cause physique engendrant des effets déterminés. Agissant d’une manière continue, elle a pu produire une variation continue dans une direction constante. Sans doute il est invraisemblable que l’œil des Vertébrés et celui des Mollusques se soient constitués par une série de variations dues au simple hasard. En admettant que la lumière intervienne alors comme instrument de sélection, pour ne laisser subsister que les variations utiles, il n’y a aucune chance pour que le jeu du hasard, même ainsi surveillé du dehors, aboutisse, dans les deux cas, à la même juxtaposition d’éléments coordonnés de la même manière. Mais il n’en serait plus de même, dans l’hypothèse où la lumière agirait directement sur la matière organisée pour en modifier la