Page:Bergson - La Pensée et le Mouvant.djvu/113

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formule. Ils naissent, en effet, de ce que nous transposons en fabrication ce qui est création. La réalité est croissance globale et indivisée, invention graduelle, durée : tel, un ballon élastique qui se dilaterait peu à peu en prenant à tout instant des formes inattendues. Mais notre intelligence s’en représente l’origine et l’évolution comme un arrangement et un réarrangement de parties qui ne feraient que changer de place ; elle pourrait donc, théoriquement, prévoir n’importe quel état d’ensemble : en posant un nombre défini d’éléments stables, on s’en donne implicitement, par avance, toutes les combinaisons possibles. Ce n’est pas tout. La réalité, telle que nous la percevons directement, est du plein qui ne cesse de se gonfler, et qui ignore le vide. Elle a de l’extension, comme elle a de la durée ; mais cette étendue concrète n’est pas l’espace infini et infiniment divisible que l’intelligence se donne comme un terrain où construire. L’espace concret a été extrait des choses. Elles ne sont pas en lui, c’est lui qui est en elles. Seulement, dès que notre pensée raisonne sur la réalité, elle fait de l’espace un réceptacle. Comme elle a coutume d’assembler des parties dans un vide relatif, elle s’imagine que la réalité comble je ne sais quel vide absolu. Or, si la méconnaissance de la nouveauté radicale est à l’origine des problèmes métaphysiques mal posés, l’habitude d’aller du vide au plein est la source des problèmes inexistants. Il est d’ailleurs facile de voir que la seconde erreur est déjà impliquée dans la première. Mais je voudrais d’abord la définir avec plus de précision.

Je dis qu’il y a des pseudo-problèmes, et que ce sont les problèmes angoissants de la métaphysique. Je les ramène à deux. L’un a engendré les théories de l’être, l’autre les théories de la connaissance.

Le premier consiste à se demander pourquoi il y a de