Page:Bergson - La Pensée et le Mouvant.djvu/184

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miquement, dans la continuité et la variabilité de sa tendance. Ce qu’il y avait d’immobile et de glacé dans notre perception se réchauffe et se met en mouvement. Tout s’anime autour de nous, tout se revivifie en nous. Un grand élan emporte les êtres et les choses. Par lui nous nous sentons soulevés, entraînés, portés. Nous vivons davantage, et ce surcroît de vie amène avec lui la conviction que de plus graves énigmes philosophiques pourront se résoudre ou même peut-être qu’elles ne doivent pas se poser, étant nées d’une vision figée du réel et n’étant que la traduction, en termes de pensée, d’un certain affaiblissement artificiel de notre vitalité. Plus, en effet, nous nous habituons à penser et à percevoir toutes choses sub specie durationis, plus nous nous enfonçons dans la durée réelle. Et plus nous nous y enfonçons, plus nous nous replaçons dans la direction du principe, pourtant transcendant, dont nous participons et dont l’éternité ne doit pas être une éternité d’immutabilité, mais une éternité de vie : comment, autrement, pourrions-nous vivre et nous mouvoir en elle ? In ea vivimus et movemur et sumus.