Page:Bergson - La Pensée et le Mouvant.djvu/219

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extrêmes l’intuition se meut, et ce mouvement est la métaphysique même.


Il ne peut être question de parcourir ici les diverses étapes de ce mouvement. Mais après avoir présenté une vue générale de la méthode et en avoir fait une première application, il ne sera peut-être pas inutile de formuler, en termes aussi précis qu’il nous sera possible, les principes sur lesquels elle repose. Des propositions que nous allons énoncer, la plupart ont reçu, dans le présent travail, un commencement de preuve. Nous espérons les démontrer plus complètement quand nous aborderons d’autres problèmes.

I. Il y a une réalité extérieure et pourtant donnée immédiatement à notre esprit. Le sens commun a raison sur ce point contre l’idéalisme et le réalisme des philosophes.

II. Cette réalité est mobilité[1]. Il n’existe pas de choses faites, mais seulement des choses qui se font, pas d’états qui se maintiennent, mais seulement des états qui changent. Le repos n’est jamais qu’apparent, ou plutôt relatif. La conscience que nous avons de notre propre personne, dans son continuel écoulement, nous introduit à l’intérieur d’une réalité sur le modèle de laquelle nous devons nous représenter les autres. Toute réalité est donc tendance, si l’on convient d’appeler tendance un changement de direction à l’état naissant.

III. Notre esprit, qui cherche des points d’appui solides, a pour principale fonction, dans le cours ordinaire de la vie, de se représenter des états et des choses. Il prend de

  1. Encore une fois, nous n’écartons nullement par là la substance. Nous affirmons au contraire la persistance des existences. Et nous croyons en avoir facilité la représentation. Comment a-t-on pu comparer cette doctrine à celle d’Héraclite ?