Page:Bergson - La Pensée et le Mouvant.djvu/285

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avait fait prévaloir ses vues, et élaboré le règlement qu’un arrêté du 29 décembre 1853 rendit exécutoire dans les établissements de l’État. C’était une réforme radicale de la méthode usitée jusqu’alors pour l’enseignement du dessin. Les considérations théoriques qui avaient inspiré la réforme n’occupent qu’une petite place dans le rapport adressé au ministre. Mais M. Ravaisson les reprit plus tard et les exposa avec ampleur dans les deux articles Art et Dessin qu’il donna au Dictionnaire pédagogique. Écrits en 1882, alors que l’auteur était en pleine possession de sa philosophie, ces articles nous présentent les idées de M. Ravaisson, relatives au dessin, sous une forme métaphysique qu’elles n’avaient pas au début (comme on s’en convaincra sans peine en lisant le rapport de 1853). Du moins dégagent-ils avec précision la métaphysique latente que ces vues impliquaient dès l’origine. Ils nous montrent comment les idées directrices de la philosophie que nous venons de résumer se rattachaient, dans la pensée de M. Ravaisson, à un art qu’il n’avait jamais cessé de pratiquer. Et ils viennent aussi confirmer une loi que nous tenons pour générale, à savoir que les idées réellement viables, en philosophie, sont celles qui ont été vécues d’abord par leur auteur, — vécues, c’est-à-dire appliquées par lui, tous les jours, à un travail qu’il aime, et modelées par lui, à la longue, sur cette technique particulière.

La méthode qu’on pratiquait alors pour l’enseignement du dessin s’inspirait des idées de Pestalozzi. Dans les arts du dessin comme partout ailleurs, disait-on, il faut aller du simple au composé. L’élève s’exercera donc d’abord à tracer des lignes droites, puis des triangles, des rectangles, des carrés ; de là il passera au cercle. Plus tard il arrivera à dessiner les contours des formes vivantes : encore devra-t-il, autant que possible, donner pour substruction à son