Page:Bergson - La Pensée et le Mouvant.djvu/291

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devra demander des modèles, puisqu’elle a porté la figure humaine à son plus haut degré de perfection. D’ailleurs, pour épargner à l’enfant les difficultés de la perspective, on remplacera, disions-nous, les statues elles-mêmes par leurs reproductions photographiques. M. Ravaisson fut conduit ainsi à constituer d’abord une collection de photographies, puis, chose autrement importante, à faire exécuter des moulages des chefs-d’œuvre de l’art grec. Cette dernière collection, placée d’abord avec la collection Campana, est devenue le point de départ de la collection de plâtres antiques que M. Charles Ravaisson-Mollien a réunie au musée du Louvre. Par un progrès naturel, M. Ravaisson arriva alors à envisager les arts plastiques sous un nouvel aspect. Préoccupé surtout, jusque-là, de la peinture moderne, il fixait maintenant son attention sur la sculpture antique. Et, fidèle à l’idée qu’il faut connaître la technique d’un art pour en pénétrer l’esprit, il prenait l’ébauchoir, s’exerçait à modeler, arrivait, à force de travail, à une réelle habileté. L’occasion s’offrit bientôt à lui d’en faire profiter l’art, et même, par une transition insensible, la philosophie.

L’empereur Napoléon III, qui avait pu, à diverses reprises, et notamment lors de l’installation du musée Campana, apprécier personnellement la valeur de M. Ravaisson, l’appelait, en juin 1870, aux fonctions de conservateur des antiques et de la sculpture moderne au musée du Louvre. Quelques semaines après, la guerre éclatait, l’ennemi était sous les murs de Paris, le bombardement imminent, et M. Ravaisson, après avoir proposé à l’Académie des Inscriptions de lancer une protestation au monde civilisé contre les violences dont les trésors de l’art étaient menacés, s’occupait de faire transporter au fond d’un souterrain, pour les mettre à l’abri d’un incendie possible, les pièces les plus précieuses