Page:Bergson - La Pensée et le Mouvant.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le philosophe est de savoir par quelle opération, pour quelle raison, et surtout en vertu de quelle structure du réel les choses peuvent être ainsi groupées, et cette question ne comporte pas une solution unique et simple.

Disons tout de suite que la psychologie nous paraît marcher à l’aventure dans les recherches de cet ordre si elle ne tient pas un fil conducteur. Derrière le travail de l’esprit, qui est l’acte, il y a la fonction. Derrière les idées générales, il y a la faculté de concevoir ou de percevoir des généralités. De cette faculté il faudrait déterminer d’abord la signification vitale. Dans le labyrinthe des actes, états et facultés de l’esprit, le fil qu’on ne devrait jamais lâcher est celui que fournit la biologie. Primum vivere. Mémoire, imagination, conception et perception, généralisation enfin, ne sont pas là « pour rien, pour le plaisir ». Il semble vraiment, à entendre certains théoriciens, que l’esprit soit tombé du ciel avec une subdivision en fonctions psychologiques dont il y a simplement à constater l’existence : parce que ces fonctions sont telles, elles seraient utilisées de telle manière. Nous croyons au contraire que c’est parce qu’elles sont utiles, parce qu’elles sont nécessaires à la vie, qu’elles sont ce qu’elles sont : aux exigences fondamentales de la vie il faut se référer pour expliquer leur présence et pour la justifier s’il y a lieu, je veux dire pour savoir si la subdivision ordinaire en telles ou telles facultés est artificielle ou naturelle, si par conséquent nous devons la maintenir ou la modifier ; toutes nos observations sur le mécanisme de la fonction seront faussées si nous l’avons mal découpée dans la continuité du tissu psychologique. Dira-t-on que les exigences de la vie sont analogues chez les hommes, les animaux et même les plantes, que notre méthode risque donc de négliger ce qu’il y a de proprement humain