Page:Bergson - Le Rire.djvu/117

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dire et qu’il vienne lui-même, en quelque sorte, se faire prendre au piège du langage. Mais le thème du « voleur volé » n’est pas le seul possible. Nous avons passé en revue bien des espèces de comique ; il n’en est pas une seule qui ne puisse s’aiguiser en trait d’esprit.

Le mot d’esprit se prêtera donc à une analyse dont nous pouvons donner maintenant, pour ainsi dire, la formule pharmaceutique. Voici cette formule. Prenez le mot, épaississez-le d’abord en scène jouée, cherchez ensuite la catégorie comique à laquelle cette scène appartiendrait : vous réduirez ainsi le mot d’esprit à ses plus simples éléments et vous en aurez l’explication complète.

Appliquons cette méthode à un exemple classique. « J’ai mal à votre poitrine », écrivait Mme de Sévigné à sa fille malade. Voilà un mot d’esprit. Si notre théorie est exacte, il nous suffira d’appuyer sur le mot, de le grossir et de l’épaissir, pour le voir s’étaler en scène comique. Or nous trouvons précisément cette petite scène, toute faite, dans L’Amour médecin de Molière. Le faux médecin Clitandre, appelé pour donner ses soins à la fille