Page:Bergson - Le Rire.djvu/126

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tout à fait spirituelle ? Il faudra que vous empruntiez au vocabulaire du sport un terme si concret, si vivant, que je puisse m’empêcher d’assister pour tout de bon à la course. C’est ce que fait Boufflers : « Je parie pour l’esprit. »

Nous disions que l’esprit consiste souvent à prolonger l’idée d’un interlocuteur jusqu’au point où il exprimerait le contraire de sa pensée et où il viendrait se faire prendre lui-même, pour ainsi dire, au piège de son discours. Ajoutons maintenant que ce piège est souvent aussi une métaphore ou une comparaison dont on retourne contre lui la matérialité. On se rappelle ce dialogue entre une mère et son fils dans les Faux Bonshommes : « Mon ami, la Bourse est un jeu dangereux. On gagne un jour et l’on perd le lendemain. — Eh bien, je ne jouerai que tous les deux jours. » Et, dans la même pièce, l’édifiante conversation de deux financiers : « Est-ce bien loyal, ce que nous faisons là ? Car enfin, ces malheureux actionnaires, nous leur prenons l’argent dans la poche… — Et dans quoi voulez-vous donc que nous le prenions ? »

Aussi obtiendra-t-on un effet amusant quand