Page:Bergson - Le Rire.djvu/155

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cette sincérité matérielle, sans les attitudes et le langage qu’une longue pratique de l’hypocrisie a convertis chez lui en gestes naturels, Tartuffe serait simplement odieux, parce que nous ne penserions plus qu’à ce qu’il y a de voulu dans sa conduite. On comprend ainsi que l’action soit essentielle dans le drame, accessoire dans la comédie. À la comédie, nous sentons qu’on eût aussi bien pu choisir toute autre situation pour nous présenter le personnage : c’eût été encore le même homme, dans une situation différente. Nous n’avons pas cette impression à un drame. Ici personnages et situations sont soudés ensemble, ou, pour mieux dire, les événements font partie intégrante des personnes, de sorte que si le drame nous racontait une autre histoire, on aurait beau conserver aux acteurs les mêmes noms, c’est à d’autres personnes que nous aurions véritablement affaire.

En résumé, nous avons vu qu’un caractère peut être bon ou mauvais, peu importe : s’il est insociable, il pourra devenir comique. Nous voyons maintenant que la gravité du cas n’importe pas davantage : grave ou léger, il pourra