Page:Bergson - Le Rire.djvu/179

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vivant ne sortirait de là. La vie ne se recompose pas. Elle se laisse regarder simplement. L’imagination poétique ne peut être qu’une vision plus complète de la réalité. Si les personnages que crée le poète nous donnent l’impression de la vie, c’est qu’ils sont le poète lui-même, le poète multiplié, le poète s’approfondissant lui-même dans un effort d’observation intérieure si puissant qu’il saisit le virtuel dans le réel et reprend, pour en faire une œuvre complète, ce que la nature laissa en lui à l’état d’ébauche ou de simple projet.

Tout autre est le genre d’observation d’où naît la comédie. C’est une observation extérieure. Si curieux que le poète comique puisse être des ridicules de la nature humaine, il n’ira pas, je pense, jusqu’à chercher les siens propres. D’ailleurs il ne les trouverait pas : nous ne sommes risibles que par le côté de notre personne qui se dérobe à notre conscience. C’est donc sur les autres hommes que cette observation s’exercera. Mais, par là même, l’observation prendra un caractère de généralité qu’elle ne peut pas avoir quand on la fait porter sur soi. Car, s’installant à la surface, elle n’attein-