Page:Bergson - Le Rire.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

visages semblables, dont aucun ne fait rire en particulier, font rire ensemble par leur ressemblance. » On dirait de même : « Les gestes d’un orateur, dont aucun n’est risible en particulier, font rire par leur répétition. » C’est que la vie bien vivante ne devrait pas se répéter. Là où il y a répétition, similitude complète, nous soupçonnons du mécanique fonctionnant derrière le vivant. Analysez votre impression en face de deux visages qui se ressemblent trop : vous verrez que vous pensez à deux exemplaires obtenus avec un même moule, ou à deux empreintes du même cachet, ou à deux reproductions du même cliché, enfin à un procédé de fabrication industrielle. Cet infléchissement de la vie dans la direction de la mécanique est ici la vraie cause du rire.

Et le rire sera bien plus fort encore si l’on ne nous présente plus sur la scène deux personnages seulement, comme dans l’exemple de Pascal, mais plusieurs, mais le plus grand nombre possible, tous ressemblants entre eux, et qui vont, viennent, dansent, se démènent ensemble, prenant en même temps les mêmes attitudes, gesticu-