Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/194

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procède comme ferait le géographe qui, pour délimiter les diverses régions du globe et marquer les relations physiques qu’elles ont entre elles, s’en rapporterait aux frontières établies par les traités. Dans l’étude que nous avons entreprise, nous avons paré à ce danger en nous transportant immédiatement du mot « religion », et de tout ce qu’il embrasse en vertu d’une désarticulation peut-être artificielle des choses, à une certaine fonction de l’esprit qu’on peut observer directement sans s’occuper de la répartition du réel en concepts correspondant à des mots. Analysant le travail de la fonction, nous avons retrouvé un à un plusieurs des sens qu’on donne au mot religion. Poursuivant notre étude, nous retrouverons les autres nuances de signification et nous en ajouterons peut-être une ou deux nouvelles. Il sera donc bien établi que le mot circonscrit cette fois une réalité. Une réalité qui débordera quelque peu, il est vrai, vers le bas et vers le haut, la signification usuelle du mot. Mais nous la saisirons alors en elle-même, dans sa structure et dans son principe, comme il arrive quand on rattache à une fonction physiologique, telle que la digestion, un grand nombre de faits observés dans diverses régions de l’organisme et quand on en découvre même ainsi de nouveaux. Si l’on se place à ce point de vue, la magie fait évidemment partie de la religion. Il ne s’agit sans doute que de la religion inférieure, celle dont nous nous sommes occupés jusqu’à présent. Mais la magie, comme cette religion en général, représente une précaution de la nature contre certains dangers que court l’être intelligent. — Maintenant, on peut suivre une autre marche, partir des divers sens usuels du mot religion, les comparer entre eux et dégager une signification moyenne : on aura ainsi résolu une question de lexique plutôt qu’un problème philosophique ;