Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/224

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qu’elle forme un amalgame avec l’action concomitante. C’est une erreur de ce genre que nous commettons quand nous nous demandons comment de grands esprits ont pu accepter le tissu de puérilités et même d’absurdités qu’était leur religion. Les gestes du nageur paraîtraient aussi ineptes et ridicules à celui qui oublierait qu’il y a de l’eau, que cette eau soutient le nageur, et que les mouvements de l’homme, la résistance du liquide, le courant du fleuve, doivent être pris ensemble comme un tout indivisé.

La religion renforce et discipline. Pour cela des exercices continuellement répétés sont nécessaires, comme ceux dont l’automatisme finit par fixer dans le corps du soldat l’assurance morale dont il aura besoin au jour du danger. C’est dire qu’il n’y a pas de religion sans rites et cérémonies. À ces actes religieux la représentation religieuse sert surtout d’occasion. Ils émanent sans doute de la croyance, mais ils réagissent aussitôt sur elle et la consolident : s’il y a des dieux, il faut leur vouer un culte ; mais du moment qu’il y a un culte, c’est qu’il existe des dieux. Cette solidarité du dieu et de l’hommage qu’on lui rend fait de la vérité religieuse une chose à part, sans commune mesure avec la vérité spéculative, et qui dépend jusqu’à un certain point de l’homme.

À resserrer cette solidarité tendent précisément les rites et cérémonies. Il y aurait lieu de s’étendre longuement sur eux. Disons seulement un mot des deux principaux : le sacrifice et la prière.

Dans la religion que nous appellerons dynamique, la prière est indifférente à son expression verbale ; c’est une élévation de l’âme, qui pourrait se passer de la parole. À son plus bas degré, d’autre part, elle n’était pas sans rapport avec l’incantation magique ; elle visait alors, sinon à forcer