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CHAPITRE IV

remarques finales
mécanique et mystique


Un des résultats de notre analyse a été de distinguer profondément, dans le domaine social, le clos de l’ouvert. La société close est celle dont les membres se tiennent entre eux, indifférents au reste des hommes, toujours prêts à attaquer ou à se défendre, astreints enfin à une attitude de combat. Telle est la société humaine quand elle sort des mains de la nature. L’homme était fait pour elle, comme la fourmi pour la fourmilière. Il ne faudrait pas forcer l’analogie ; nous devons pourtant remarquer que les communautés d’hyménoptères sont au bout de l’une des deux principales lignes de l’évolution animale, comme les sociétés humaines à l’extrémité de l’autre, et qu’en ce sens elles se font pendant. Sans doute les premières ont une forme stéréotypée, tandis que les autres varient ; celles-là obéissent à l’instinct, celles-ci à l’intelligence. Mais si la nature, précisément parce qu’elle nous a faits intelligents, nous a laissés libres de choisir jusqu’à un certain point notre type d’organisation sociale, encore nous a-t-elle imposé de vivre en société. Une force de direction constante, qui est à l’âme ce que la pesanteur est au corps, assure la cohésion du groupe en inclinant dans un même sens les volontés individuelles. Telle est