Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/351

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l’homme. Que ces mécanismes se dérangent, la porte qu’ils maintenaient fermée s’entr’ouvre : quelque chose passe d’un « en dehors » qui est peut-être un « au-delà ». C’est de ces perceptions anormales que s’occupe la « science psychique». On s’explique dans une certaine mesure les résistances qu’elle rencontre. Elle prend son point d’appui dans le témoignage humain, toujours sujet à caution. Le type du savant est pour nous le physicien ; son attitude de légitime confiance envers une matière qui ne s’amuse évidemment pas à le tromper est devenue pour nous caractéristique de toute science. Nous avons de la peine à traiter encore de scientifique une recherche qui exige des chercheurs qu’ils flairent partout la mystification. Leur méfiance nous donne le malaise, et leur confiance encore davantage : nous savons qu’on se déshabitue vite d’être sur ses gardes ; la pente est glissante, qui va de la curiosité à la crédulité. Encore une fois, on s’explique ainsi certaines répugnances. Mais on ne comprendrait pas la fin de non-recevoir que de vrais savants opposent à la « recherche psychique » si ce n’était qu’avant tout ils tiennent les faits rapportés pour « invraisemblables » ; ils diraient « impossibles », s’ils ne savaient qu’il n’existe aucun moyen concevable d’établir l’impossibilité d’un fait ; ils sont néanmoins convaincus, au fond, de cette impossibilité. Et ils en sont convaincus parce qu’ils jugent incontestable, définitivement prouvée, une certaine relation entre l’organisme et la conscience, entre le corps et l’esprit. Nous venons de voir que cette relation est purement hypothétique, qu’elle n’est pas démontrée par la science, mais exigée par une métaphysique. Les faits suggèrent une hypothèse bien différente ; et si on l’admet, les phénomènes signalés par la « science psychique », ou du moins certains d’entre eux, deviennent