Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/155

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hypothèse d’un « centre idéationnel », relié, par des voies transcorticales, aux divers centres de la parole. Mais ce centre des idées s’est bien vite dissous à l’analyse. Tandis, en effet, que la physiologie cérébrale trouvait de mieux en mieux à localiser des sensations et des mouvements, jamais des idées, la diversité des aphasies sensorielles obligeait les cliniciens à dissocier le centre intellectuel en centres imaginatifs de multiplicité croissante, centre des repré­sentations visuelles, centre des représentations tactiles, centre des représen­tations auditives, etc., — bien plus, à scinder parfois en deux voies différentes, l’une ascendante et l’autre descendante, le chemin qui les ferait communiquer deux à deux[1]. Tel fut le trait caractéristique des schémas de la période ultérieure, ceux de Wysman[2], de Moeli[3], de Freud[4], etc. Ainsi la théorie se compliquait de plus en plus, sans arriver pourtant à étreindre la complexité du réel. Bien plus, à mesure que les schémas devenaient plus compliqués, ils figuraient et laissaient supposer la possibilité de lésions qui, pour être plus diverses sans doute, devaient être d’autant plus spéciales et plus simples, la complication du schéma tenant précisément à la dissociation de centres qu’on avait d’

  1. BASTIAN, On different kinds of Aphasla (British Medical Journal, 1887). — Cf. l’explication (indiquée seulement comme possible) de l’aphasie optique par BERNHEIM : De la cécité psychique des choses (Revue de Médecine, 1885).
  2. WYSMAN, Aphasie und verwandte Zustände (Deutsches Archiv für klinische Medicin, 1890). — Magnan était d’ailleurs entré déjà dans cette vole, comme l’indique le schéma de SKWORTZOFF, De la cécité des mots (Th. de méd., 1881, pl. I).
  3. MŒLI, Ueber Aphasie bel Wahrnehrnung der Gegenstände durch das Gesieh (Berliner klinische Wochenschrift, 28 avril 1890).
  4. FREUD, Zur Auffassunq der Aphasien, Leipzig, 1891.