Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/203

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l’on veut, contiguïté, de sorte qu’en découvrant un rapport de contiguïté ou de ressemblance entre deux représentations qui se succèdent, on n’explique pas du tout pourquoi l’une évoque l’autre.

La véritable question est de savoir comment s’opère la sélection entre une infinité de souvenirs qui tous ressemblent par quelque côté à la perception présente, et pourquoi un seul d’entre eux, — celui-ci plutôt que celui-là, — émerge à la lumière de la conscience. Mais à cette question l’associationnisme ne peut répondre, parce qu’il a érigé les idées et les images en entités indépen­dantes, flottant, à la manière des atomes d’Épicure, dans un espace intérieur, se rapprochant, s’accrochant entre elles quand le hasard les amène dans la sphère d’attraction les unes des autres. Et en approfondissant la doctrine sur ce point, on verrait que son tort a été d’intellectualiser trop les idées, de leur attribuer un rôle tout spéculatif, d’avoir cru qu’elles existent pour elles et non pour nous, d’avoir méconnu le rapport qu’elles ont à l’activité du vouloir. Si les souvenirs errent, indifférents, dans une conscience inerte et amorphe, il n’y a aucune raison pour que la perception présente attire de préférence l’un d’eux : je ne pourrai donc que constater la rencontre, une fois produite, et parler de ressem­blance ou de contiguïté, — ce qui revient, au fond, à reconnaître vaguement que les états de conscience ont des affinités les uns pour les autres.

Mais cette affinité même, qui prend la double forme de la contiguïté et de la ressemblance, l’associationnisme n’en peut fournir aucune explication. La tendance générale à s’associer demeure aussi obscure, dans cette doctrine, que les formes particulières de l’association. Ayant érigé les souvenirs-images