Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/22

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intangible, est fort battue en brèche depuis quelques années, surtout pour des raisons d’ordre anatomique, mais en partie aussi pour des raisons psychologiques du même genre que celles que nous exposions dhs cette époque[1]. Et l’étude si approfondie et originale que M. Pierre Janet a faite des névroses l’a conduit dans ces dernières années, par de tout autres chemins, par l’examen des formes « psychasthéniques » de la maladie, à user de ces considérations de « tension » psychologique et d’« attention à la réalité » qu’on qualifia d’abord de vues métaphysiques[2].

A vrai dire, on n’avait pas tout à fait tort de les qualifier ainsi. Sans contester à la psychologie, non plus qu’à la métaphysique, le droit de s’ériger en science indépendante, nous estimons que chacune de ces deux sciences doit poser des problèmes à l’autre et peut, dans une certaine mesure, l’aider à les résoudre. Comment en serait-il autrement, si la psychologie a pour objet l’étude de l’esprit humain en tant que fonctionnant utilement pour la pratique, et si la métaphysique n’est que ce même esprit humain faisant effort pour s’affranchir des conditions de

  1. Voir les travaux de Pierre MARIE et l’ouvrage de F. MOUTIER, l’Aphasie de Broca, Paris, 1903 (en particulier le chapitre VII). Nous ne pouvons entrer dans le détail des recherches et des controverses relatives à la question. Nous tenons cependant à citer le récent article de J DAGNAN-BOUVERET, l’Aphasie motrice sous-corticale (Journal de Psychologie normale et pathologique, Janvier février 1911).
  2. P. JANET. Les Obsessions et la Psychasthénie, Paris, P. Alcan, 1903 (en particulier p. 474-502).