Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/231

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me. Reprochera-t-on à cette méthode d’attribuer arbitrairement à la connaissance immédiate une valeur privilégiée ? Mais quelles raisons aurions-nous de douter d’une connaissance, l’idée même d’en douter nous viendrait-elle jamais, sans les difficultés et les contradictions que la réflexion signale, sans les problèmes que la philosophie pose ? Et la connaissance immédiate ne trouverait-elle pas alors en elle-même sa justification et sa preuve, si l’on pouvait établir que ces difficultés, ces contradictions, ces problèmes naissent surtout de la figuration symbolique qui la recouvre, figuration qui est devenue pour nous la réalité même, et dont un effort intense, exceptionnel, peut seul réussir à percer l’épaisseur ?

Choisissons tout de suite, parmi les résultats auxquels l’application de cette méthode peut conduire, ceux qui intéressent notre recherche. Nous nous bornerons d’ailleurs à des indications ; il ne peut être question ici de construire une théorie de la matière.

I. — Tout mouvement, en tant que passage d’un repos à un repos, est absolument indivisible..

Il ne s’agit pas ici d’une hypothèse, mais d’un fait, qu’une hypothèse recou­vre généralement.

Voici, par exemple, ma main posée au point A. Je la porte au point B, parcourant d’un trait l’intervalle. Il y a dans ce mouvement, tout à la fois, une image qui frappe ma vue et un acte que ma conscience musculaire saisit. Ma conscience me donne la sensation intérieure d’un fait simple, car en A était le repos, en B est le repos encore, et entre A et B se place un acte indivisible ou tout au moins indivisé, passage du repos au