Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/28

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c’est-à-dire l’univers, subsiste intégralement. Faire du cerveau la condition de l’image totale, c’est véritablement se contredire soi-même, puisque le cerveau, par hypothèse, est une partie de cette image. Ni les nerfs ni les centres nerveux ne peuvent donc conditionner l’image de l’univers.

Arrêtons-nous sur ce dernier point. Voici les images extérieures, puis mon corps, puis enfin les modifications apportées par mon corps aux images envi­ronnantes. Je vois bien comment les images extérieures influent sur l’image que j’appelle mon corps : elles lui transmettent du mouvement. Et je vois aussi comment ce corps influe sur les images extérieures : il leur restitue du mouve­ment. Mon corps est donc, dans l’ensemble du monde matériel, une image qui agit comme les autres images, recevant et rendant du mouvement, avec cette seule différence, peut-être, que mon corps paraît choisir, dans une certaine mesure, la manière de rendre ce qu’il reçoit. Mais comment mon corps en général, mon système nerveux en particulier, engendreraient-ils tout ou partie de ma représentation de l’univers ? Dites que mon corps est matière ou dites qu’il est image, peu m’importe le mot. S’il est matière, il fait partie du monde matériel, et le monde matériel, par conséquent, existe autour de lui et en dehors de lui. S’il est image, cette image ne pourra donner que ce qu’on y aura mis, et puisqu’elle est, par hypothèse, l’image de mon corps seulement, il serait absurde d’en vouloir tirer celle de tout l’univers. Mon corps, objet destiné à mouvoir des objets, est donc un centre d’action il ne saurait faire naître une représentation.

Mais si mon corps est un objet capable d’exercer une action