Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/280

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explication très simplifiée, la description schématique de ce que nous avons appelé la perception pure. Marquons tout de suite la position que nous prenions ainsi entre le réalisme et l’idéalisme.

Que toute réalité ait une parenté, une analogie, un rapport enfin avec la conscience, c’est ce que nous concédions à l’idéalisme par cela même que nous appelions les choses des « images » . Aucune doctrine philosophique, pourvu qu’elle s’entende avec elle-même, ne peut d’ailleurs échapper à cette conclusion. Mais si l’on réunissait tous les états de conscience, passés, présents et possibles, de tous les êtres conscients, on n’aurait épuisé par là, selon nous, qu’une très petite partie de la réalité matérielle, parce que les images débordent la perception de toutes parts. Ce sont précisément ces images que la science et la métaphysique voudraient reconstituer, restaurant dans son intégralité une chaîne dont notre perception ne tient que quelques anneaux. Mais pour établir ainsi entre la perception et la réalité le rapport de la partie au tout, il fallait laisser à la perception son rôle véritable, qui est de préparer des actions. C’est ce que ne fait pas l’idéalisme. Pourquoi échoue-t-il, comme nous le disions tout à l’heure, à passer de l’ordre qui se manifeste dans la perception à l’ordre qui réussit dans la science, c’est-à-dire de la contingence avec laquelle nos sensations paraissent se succéder au déterminisme qui lie les phénomènes de la nature ? Précisément parce qu’il attribue à la conscience, dans la perception, un rôle spéculatif, de sorte qu’on ne voit plus du tout quel intérêt cette conscience aurait à laisser échapper entre deux sensations, par exemple, les intermédiaires par lesquels la seconde se déduit de la première. Ce sont ces intermédiaires et leur ordre