Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/73

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objets ; son action réelle le concerne lui-même et se dessine par conséquent en lui. Tout se passera donc enfin comme si, par un véritable retour des actions réelles et virtuelles à leurs points d’application ou d’origine, les images extérieures étaient réfléchies par notre corps dans l’espace qui l’environne, et les actions réelles arrêtées par lui à l’intérieur de sa substance. Et c’est pourquoi sa surface, limite commune de l’extérieur et de l’intérieur, est la seule portion de l’étendue qui soit à la fois perçue et sentie.

Cela revient toujours à dire que ma perception est en dehors de mon corps, et mon affection au contraire dans mon corps. De même que les objets extérieurs sont perçus par moi où ils sont, en eux et non pas en moi, ainsi mes états affectifs sont éprouvés là où ils se produisent, c’est-à-dire en un point déterminé de mon corps. Considérez ce système d’images qui s’appelle le monde matériel. Mon corps est l’une d’elles. Autour de cette image se dispose la représentation, c’est-à-dire son influence éventuelle sur les autres. En elle se produit l’affection, c’est-à-dire son effort actuel sur elle-même. Telle est bien, au fond, la différence que chacun de nous établit naturellement, spontanément, entre une image et une sensation. Quand nous disons que l’image existe en dehors de nous, nous entendons par là qu’elle est extérieure à notre corps. Quand nous parlons de la sensation comme d’un état intérieur, nous voulons dire qu’elle surgit dans notre corps. Et c’est pourquoi nous affirmons que la totalité des images perçues subsiste, même si notre corps s’évanouit, tandis que nous ne pouvons supprimer notre corps sans faire évanouir nos sensations.

Par là nous entrevoyons la nécessité d’une première cor. rection à