Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/168

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mentation s’est enrichie en devenant plus ingénieuse, et en outre un nombre assez grand de morceaux nouveaux, airs, chœurs et récitatifs, ont été ajoutés à la partition, dont le compositeur semble avoir pétri l’élément musical, comme fait le sculpteur de la terre dont il façonne sa statue.

En relisant ce que j’écrivis autrefois sur la partition d’Alceste, je trouve des critiques qui ne me paraissent plus justes. J’avais pourtant été vivement frappé par toutes les beautés qu’elle contient, et certes je n’oublierai jamais l’impression que je ressentis à la répétition générale à laquelle j’assistai lors de la rentrée de madame Blanchu dans le rôle principal, en 1825. Mais je me sentais alors si violemment passionné pour cette œuvre, que la crainte de tomber dans un fanatisme aveugle devint chez moi une préoccupation, et que je crus m’y soustraire en cherchant à blâmer certaines choses que j’admirais en réalité. Aujourd’hui je n’ai plus cette crainte, je suis sûr que mon admiration n’est point aveugle, et je ne veux pas, par des scrupules déplacés, en atténuer l’expression.

L’ouverture, sans être très-riche d’idées, contient plusieurs accents pathétiques et touchants ; la couleur sombre y domine ; l’instrumentation n’en a pas l’éclat ni la violence des compositions instrumentales de notre temps ; elle est plus chargée et plus forte néanmoins que celle des autres ouvertures de Gluck. Les trombones y figurent dès le commencement ; les trompettes et les timbales seules en sont exclues. Il est bon de dire à ce sujet que, par une singularité dont on citerait peu d’exemples, il n’y a pas une note de trompettes ni de timbales dans tout l’opéra (à l’exception des deux trompettes qui se font entendre sur la scène au moment où le héraut va parler au peuple).

Ajoutons, pour détruire certaines erreurs assez répandues, que Gluck, dans sa partition, a employé, avec les flûtes et les hautbois, les clarinettes, les bassons, les cors et les trombones. Dans l’Alceste italienne il a souvent recouru aux cors anglais ; mais cet instrument n’étant pas connu en France quand il y