Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/169

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arriva, il les remplaça partout très-habilement, dans l’Alceste française, par des clarinettes. Il n’y a pas non plus de petites flûtes dans cet ouvrage ; il en a banni tout ce qui est criard, perçant et brutal, pour ne recourir qu’aux sonorités douces ou grandioses.

L’ouverture d’Alceste, ainsi que celles d’Iphigénie en Aulide, de Don Giovanni, de Démophoon, ne finit pas complétement avant le lever de la toile ; elle se lie au premier morceau de l’opéra par un enchaînement harmonique au moyen duquel la cadence se trouve suspendue indéfiniment. Je ne vois pas trop, malgré l’emploi qu’en ont fait Gluck, Mozart et Vogel, quel peut être l’avantage de cette forme inachevée pour les ouvertures. Elles sont mieux liées à l’action, il est vrai ; mais l’auditeur, désappointé de se voir privé de la conclusion de la préface instrumentale, en éprouve un instant de malaise fatal à ce qui précède, sans être très-favorable à ce qui suit ; l’opéra y gagne peu et l’ouverture y perd beaucoup.

Au lever de la toile, le chœur, entrant sur un accord qui rompt la cadence harmonique de l’orchestre, s’écrie : « Dieux, rendez-nous notre roi, notre père ! » Cette exclamation nous fournit dès la première mesure le sujet d’une observation applicable au tissu vocal de tous les autres chœurs de Gluck.

On sait que la classification naturelle des voix humaines est celle-ci : soprano et contralto pour les femmes, ténor et basse pour les hommes. Les voix féminines se trouvant à l’octave supérieure des voix masculines, et dans le même rapport entre elles, le contralto, dont l’échelle est d’une quinte au-dessous de celle du soprano, est donc à celui-ci exactement comme la basse est au ténor. On prétendait à l’Opéra, il y a trente ans encore, que la France ne produisait pas de contralti. En conséquence, les chœurs français ne possédaient que des soprani, et les contralti s’y trouvaient remplacés par une voix criarde, forcée et assez rare, qu’on appelait haute-contre, et qui n’est, à tout prendre, qu’un premier ténor.