Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/203

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n’a pas de meurtre semblable à se reprocher. Sa partition est bien écrite, dans le style à la mode au commencement de notre siècle ; cela ressemble à tout ce qu’on produisait alors sur les théâtres d’Italie. La mélodie est en général banale, l’harmonie pure, correcte, mais banale aussi, l’instrumentation honnêtement insignifiante ; quant à l’expression, il faut en reconnaître presque partout la nullité, quand elle n’est pas d’une fausseté absolue ; et l’ensemble de l’œuvre est tout à fait sans caractère. Alceste chante des airs à roulades, riches en gammes ascendantes, en trilles, mais fort pauvres d’accents et de sentiment dramatique. Quelques scènes paraissent même tellement dépourvues de prétentions à ces qualités, qu’elles en sont comiques. Dans la scène du temple, le récitatif du prêtre :

L’altare ondeggia
Il tripode vacilla


ne peut être mis en regard du sublime récitatif du prêtre de Gluck :

Le marbre est animé,
Le saint trépied s’agite,


sans provoquer le rire du lecteur ; que serait-ce de l’auditeur ?

Guglielmi s’est gardé, pour cette scène imposante, d’écrire une marche religieuse. C’est un trait d’esprit de sa part. Il n’a point fait non plus d’ouverture. En revanche, un trait monumental de sottise nous est offert par le chœur du peuple après l’oracle :

Che annunzio funesto !
Fuggiamo da questo
Soggiorno d’orrore !

xxQuel oracle funeste
Fuyons ! nul espoir ne nous reste !

Le compositeur italien a cru trouver là une belle occasion de faire étalage de son savoir de contre-pointiste. Comme il est question d’une foule qui fuit consternée, et que le mot fuga