Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/221

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trois fois par les applaudissements. En un mot, Alceste est pour madame Viardot un nouveau triomphe, et celui qui se trouvait pour elle le plus difficile à obtenir[1]. Michot (Admète) a surpris tout le monde comme chanteur et comme acteur. Sa voix de ténor haut, qui lui permet de tout chanter en sons de poitrine, convient parfaitement au rôle. Il a dit ses airs et la plupart de ses difficiles récitatifs d’une belle manière et avec ces accents émus qu’on entend trop rarement. Citons surtout l’air « Non, sans toi je ne puis vivre ! » dont la dernière phrase, reprise sur quatre notes aiguës :


      Je ne puis vivre ;
Tu le sais, tu n’en doutes pas,


a remué toute la salle. Il a bien fait ressortir la tendre sérénité de celui :


Bannis la crainte et les alarmes.


Le dernier, qui est la clef de voûte du rôle, et dont Michot a parfaitement rendu les principaux passages, celui-ci surtout :


Je pousserais des cris que tu n’entendrais pas.


perd la moitié de son effet à être chanté si lentement. C’est une andante, et pour Gluck, andante ne veut pas dire lent, il indique un mouvement d’une certaine animation relative à la nature du sentiment qu’il s’agit d’exprimer, quelque chose qui va, qui marche. Ici, d’ailleurs, le caractère de la partie de chant, celui du dessin d’accompagnement des seconds violons, le tissu général du morceau, indiquent une sorte d’agitation que les paroles, en outre, exigent impérieusement.

Il en est de même de quelques récitatifs qui veulent être dits sans emphase et non posés, et de quelques autres dont l’en-

  1. Ajoutons qu’elle n’a pris avec le texte de son rôle aucune des libertés qu’on a dû lui reprocher dans Orphée.