Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/277

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je vous défends de jouer, il chantera sans accompagnement. »

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Et vous approuveriez de pareilles incartades et la théorie qui les consacre !… Vous !… quand vous mourriez pour revenir ensuite me l’affirmer avec une voix d’outre-tombe, je ne le croirais pas.

Et tenez, voici une jolie anecdote qui se rattache au sujet par tous les points. Elle est vraie ; j’en prends à témoin un autre de nos confrères qui y figure comme victime d’un virtuose. Il s’agit ici d’un traditore instrumentiste. Car nous autres compositeurs nous avons la chance d’être assassinés par tout le monde, par les chanteurs sans talent, par les méchants virtuoses, par les mauvais orchestres, par les choristes sans voix, par les chefs d’orchestre incapables, lymphatiques ou bilieux, par les machinistes, par les metteurs en scène, par les copistes, par les graveurs, par les marchands de cordes, par les fabricants d’instruments, par les architectes qui construisent les salles, enfin par les claqueurs qui nous applaudissent. Tellement que jamais, depuis qu’on exécute en France le Don Juan de Mozart, il n’a été possible d’entendre la belle phrase instrumentale qui termine le trio des masques ; elle est toujours couverte par les applaudissements.

En Allemagne, les applaudisseurs (il n’y a pas dans ce pays-là de claqueurs de profession) sont plus avisés ; ils n’applaudissent point ainsi à tort et à travers ; ils écoutent d’abord. Je me souviens d’avoir assisté à Francfort à une représentation de Fidelio pendant laquelle le public ne donna pas une marque d’approbation. Arrivé là avec mes idées et mes habitudes parisiennes, je m’indignais. Mais, après le dernier accord du dernier acte, toute la salle se leva et salua l’œuvre de Beethoven d’une foudroyante salve d’applaudissements. À la bonne heure ! mais il était temps. Je me trompe : il était temps, mais à la bonne heure !

Que vous disais-je ? Ô névralgie ! m’y voilà. Il s’agit d’une