Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/101

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attendue bien davantage, si un sculpteur de l’Académie ne l’eût apportée. Je ne pouvais concevoir votre silence, je ne vous croyais pas paresseux. Bon, bon, assez ! Êtes-vous toujours dans votre ermitage du bois de Boulogne ? Je vais retourner dans le mien à Subiaco ; rien ne me plaît tant que cette vie vagabonde dans les bois et les rochers, avec ces paysans pleins de bonhomie, dormant le jour au bord du torrent, et le soir dansant la saltarelle avec les hommes et les femmes habitués de notre cabaret. Je fais leur bonheur par ma guitare ; ils ne dansaient avant moi qu’au son du tambour de basque, ils sont ravis de ce mélodieux instrument. J’y retourne pour échapper à l’ennui qui me tue ici. Pendant quelques jours, je suis venu à bout de le surmonter en allant à la chasse ; je partais de Rome à minuit pour me trouver sur les lieux au point du jour ; je m’éreintais, je mourais de soif et de faim, mais je ne m’ennuyais plus. La dernière fois, j’ai tué seize cailles, sept oiseaux aquatiques, un grand serpent et un porc-épic.

La campagne des environs de Rome est si sévère et si majestueuse, le soir surtout ! Toutes les ruines de palais, de temples éclairés par le soleil couchant, sur un sol nu comme la main, sans arbres, creusé de profonds ravins, forment le tableau le plus pittoresque et le plus sombre. Le matin, j’ai déjeuné sur une vieille citerne ou tombeau étrusque ; j’ai dormi à midi dans le temple de Bacchus, mais je n’avais que de l’eau pour lui faire des libations ; j’espère que le vainqueur du Gange me pardonnera cette offrande indigne de lui !

Eh bien, vous avez donc eu la complaisance de vous nantir de ma médaille et de quelques brimborions d’or !