Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/112

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mode, qui gagne quinze mille francs au théâtre de la Pergola, et qui, par-dessus le marché, a un grand et un vrai talent, une voix délicieuse et juste, et sait la musique. Il n’est pas acteur comme Nourrit, mais chante mieux, et sa voix a quelque chose de plus naïf et de plus original dans le timbre. Il fera fureur à Paris dans quelques années, j’en suis sûr. Il avait chanté à mon premier concert, avant que vous fussiez à Paris. Hier soir, dans un entr’acte, nous nous sommes remémoré cette époque de notre connaissance avec un certain plaisir. Nous avons depuis lors avancé tous les deux ; avancé de quelques pas, moi de six ou sept, et lui de trente ou quarante.

Je ne vais pas à l’île d’Elbe ni en Corse ; il y a actuellement des règlements sanitaires, des quarantaines qui me vexeraient. Dans trois jours, je pars pour Milan ; j’y resterai au plus une semaine ; de là, j’irai droit chez ma sœur à Grenoble, puis à la Côte Saint-André (Isère), où vous m’adresserez vos lettres. Je retrouverai à Milan un de vos compatriotes, homme de talent, M. de Sauër, que j’ai connu à Rome. Il m’a dit vous avoir vu enfant à Vienne. Il connaît beaucoup Mendelssohn et Bellini. Il veut absolument me lier avec Bellini, ce que je refuse de toutes mes forces ; la Sonnambula, que j’ai vue hier, redouble mon aversion pour une pareille connaissance. Quelle partition !! Quelle pitié !!! Les Florentins mêmes l’ont chutée et sifflée. C’est cependant bien bon pour eux. Oh ! mon cher, il vous faut voir l’Italie pour vous douter de ce qu’ils osent nommer musique dans ce pays-là !…

J’irai à Paris au mois de novembre ou de décembre ; jusque-là, je ne sortirai guère du midi de la France. Je vous