Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/138

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Ne parlons donc pas des énormités qui t’irriteraient autant que moi et contre lesquelles nous ne pouvons pas même protester librement… Je vais tâcher seulement de te donner une idée superficielle de ce qui se passe dans nos concerts, dans nos théâtres lyriques, parmi nos virtuoses, nos chanteurs, nos compositeurs ; et cela, sans passion, sans blâme ni éloge, en un mot, avec le calme plat d’un adepte de cette fameuse école philosophique que nous avons fondée à Rome en l’an de grâce 1830, et qui avait pour titre : École de l’indifférence absolue en matière universelle.

Cette forme a l’avantage de me dispenser des théories, des développements, et me permet de laisser tomber le fait lourdement, brutalement, sans m’inquiéter des suites. Je commence, sans ordre chronologique, par ce qu’il y a de plus récent.

Avant-hier, pendant que je fumais, selon mon habitude, un cigare sur le boulevard des Italiens, quelqu’un me prit vivement le bras : c’était Batta arrivant de Londres.

— Que fait-on à Londres ? lui dis-je.

— Absolument rien ; on y méprise la musique et la poésie, et le drame, et tout ; excepté le Théâtre-Italien, où la présence de la reine attire la foule, tous les autres clubs harmoniques sont abandonnés. Je m’estime heureux de n’en être pas pour mes frais de séjour et de voyage, et d’avoir été applaudi dans deux ou trois concerts ; c’est tout ce que j’ai obtenu de l’hospitalité britannique. Mais je suis arrivé trop tard ; il en est de même d’Artot, qui, malgré son succès à la Société Philharmonique, malgré l’incontestable beauté de son talent, s’est beaucoup ennuyé.