Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/171

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journaux que je vous demandais, ni des informations que je vous priais de prendre au sujet d’une commission donnée à Brandus, dont je n’avais point de nouvelles. Je fais ici un métier de cheval de moulin, répétant tous les jours de midi à quatre heures et conduisant tous les soirs l’opéra de sept heures à dix heures. Depuis avant-hier seulement, nous n’avons pas de répétitions et je commence à me remettre d’une grippe qui m’inquiétait, ainsi traitée par la fatigue et les vents froids du théâtre. Vous avez eu sans doute déjà connaissance de l’horrible position où Jullien s’est mis et nous a entraînés tous avec lui. Cependant, comme il faut ruiner son crédit à Paris le moins possible, ne parlez à personne de ce que je vais vous dire. Ce n’est pas l’entreprise de Drury-Lane qui a renversé sa fortune ; elle était déjà détruite avant l’ouverture, et il avait sans douta compté sur de fortes recettes pour la relever. Jullien est toujours le même fou que vous avez connu ; il n’a pas la moindre idée des nécessités d’un théâtre lyrique, ni des nécessités même les plus évidentes pour une bonne exécution musicale. Il a ouvert son théâtre sans avoir une seule partition à lui, et à l’exception de l’opéra de Balfe qu’il a bien fallu faire copier, nous ne vivons jusqu’à présent que sur le bon vouloir des agents de Lumley, qui nous prêtent les parties d’orchestre des opéras italiens que nous montons. Jullien est en ce moment à faire sa tournée de province, gagnant beaucoup d’argent avec ses concerts-promenades ; le théâtre fait ici chaque soir des recettes fort respectables, et, en résumé, après nous avoir fait consentir à la réduction d’un tiers de nos appointements, nous ne sommes pas payés du tout. On paye seulement chaque semaine les choristes, l’orchestre et les ouvriers,