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CXII.

À M. AUGUSTE MOREL.


Paris, dimanche soir, 2 mars 1862.

Mon cher Morel,

Soyez assez bon pour me donner des nouvelles de Louis. Est-il parti pour les Indes ? Ce que j’avais prévu est arrivé : il ne m’a pas écrit une ligne. Je ne puis vous dire à ce sujet rien que vous n’ayez dès longtemps deviné ; mais j’avoue que ce chagrin est un des plus poignants que j’aie jamais éprouvés. Je vous écris au travers d’un de ces abominables feuilletons dont on ne sait comment se tirer. Je cherche à soutenir un peu ce malheureux X… qui vient de faire un fiasco, comme on n’en vit jamais. Il n’y a rien dans sa partition, absolument rien. Comment soutenir ce qui n’a ni os ni muscles ? Et pourtant il faut que je trouve quelque chose à louer. Le poème est au-dessous de tout. Cela n’a pas l’ombre d’intérêt ni du bon sens. Et c’est son troisième fiasco. Eh bien, il en fera un quatrième ! On ne fait plus des douzaines d’opéras… beaux. Paesiello en a écrit cent soixante-dix ; mais quels opéras ! et qu’en reste-t il ?

En fait de symphonies, Mozart en écrivit dix-sept dont trois sont belles, et encore !… Le bon Haydn seul a fait une grande quantité de jolies choses en ce genre. Beethoven a fait sept chefs-d’œuvre. Mais Beethoven n’est pas un homme. Et quand on n’est qu’un homme, il ne faut pas trancher du dieu.