Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/324

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élever avec le bronze des canons pris sur l’ennemi. On voit à gauche de cette place un immense palais, nommé le palais des Tuileries, où il s’est passé diablement de choses… Quant aux maisons de certaines rues, vous n’avez pas idée de toutes les idées qu’elles font naître en moi… Il y a des pays comme cela qui exercent un puissant empire sur l’imagination. Eh bien, je m’ennuie tout de même.

Le maréchal Vaillant a donné un grandissime dîner dernièrement ; il m’a fait placer à côté de lui et m’a comblé de gracieusetés ; mais le dîner a duré deux heures. Avant-hier, les boulevards étaient couverts de badauds qui ont attendu trois heures pour voir passer la voiture où devait se trouver le roi d’Espagne, qui était attendu à l’Opéra. C’est si étonnant un roi d’Espagne !

Vous avez beau dire, chère madame Damcke, quand vous avez bien regardé le lac et que vous êtes bien sûre que c’est beau, vous voudriez voir autre chose. Je lis tous les jours un peu de votre splendide Don Quichotte, je vais par-ci par-là à Passy, chez madame Érard ; vous n’avez rien en Suisse de comparable au parc de la Muette, et, dans ce parc, au moins, il n’y a ni vaches ni vachères.

C’est après-demain qu’a lieu le festival de Carlsruhe. Liszt y est déjà. Le programme du premier jour est publié. Comment pouvez-vous n’y pas aller ? Moi, j’ai une bonne excuse : je suis malade.

Que vous seriez heureuse si vous aviez en Suisse, pour déjeuner, des fromages comme ceux que l’on a ici ! Et puis soupçonnez-vous les melons ? Avez-vous du vin potable ?

Non, non ; vous vivez comme des anachorètes ; mais être en Suisse en ce moment, c’est bon genre. Un de ces jours,