Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/376

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Je ne fais depuis quelques jours, que corriger des parties d’orchestre, surveiller mes copistes, copier moi-même. Le soir, je vais au théâtre allemand, où le directeur a eu la politesse de me donner mes entrées, sans que je les aie, en aucune manière, demandées. Je compte sur l’incroyable chanteur Haitzinger pour chanter à mon concert et compléter le programme. Je l’ai vu ces jours-ci ; il m’a demandé si j’avais un rôle important pour sa voix dans l’opéra des Francs-Juges (que je ne pourrai jamais monter à Paris) ; et, sur l’assurance que je lui en ai donnée, il m’a engagé beaucoup à venir en Allemagne, où il me serait beaucoup plus aisé de le faire exécuter, mais je ne puis pas encore m’occuper de le faire traduire en allemand. Voilà mon plan : si ces messieurs de l’Institut me croient digne d’obtenir un des deux grands prix, si je puis me faire assez petit pour passer par la porte du royaume des cieux, je resterai aussi peu de temps que possible en Italie, et de là, je courrai à Carlsruhe, où est ordinairement Haitzinger, ou bien à Dresde, où le célèbre compositeur Spohr est maître de chapelle et professe des principes autrement généreux que le font les compositeurs de Paris. Alors, il me sera aisé de voir ce que j’ai à faire pour monter mon opéra. Vous me parlez d’hommes de lettres en réputation ; mais rien n’est plus inutile. Il n’y en a qu’un, c’est Scribe, qui puisse faire passer une partition. Les directeurs ne font pas plus de cas des autres que s’ils étaient inconnus. J’ai un grand opéra, Atala, qui a été reçu, il y a deux mois, à l’unanimité, sans corrections, ni conditions, par le jury de l’Opéra. Dernièrement, Onslow, qui venait de lire la partition des Francs-Juges que je lui avais prêtée, courut, dans son enthousiasme