Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/379

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150 francs ! J’ai mieux aimé ne pas vous parler de ce concert avant de l’avoir donné. Je vous aurais encore trop inquiété. Quoiqu’il m’ait donné beaucoup moins de peine que le premier, néanmoins, après la dernière répétition, je ne pouvais plus me tenir. La fatigue m’accablait. Je ne m’en ressens presque plus. Cherubini s’est contenté cette fois, de ne pas trop me contrarier. Il m’a refusé d’abord, et accordé l’instant d’après, tout ce que je lui ai demandé.

Enfin, le concert a eu lieu. Mon orchestre de cent musiciens a été dirigé par Habeneck. À part quelques fautes qui venaient du défaut de répétitions, mes grands morceaux ont été exécutés d’une manière foudroyante. Il n’y a eu que mon septuor de Faust que je n’ai pas eu le temps d’apprendre aux exécutants et au public.

J’ai été mis à une épreuve effrayante à laquelle je n’avais pas réfléchi. Hiller, ce jeune Allemand dont je vous ai parlé, jouait dans mon concert un concerto de piano de Beethoven, qui est une composition vraiment merveilleuse. Immédiatement après, venait mon ouverture des Francs-Juges. En voyant l’effet du sublime concerto, tous mes amis m’ont cru perdu, écrasé, anéanti, et j’avoue que j’ai éprouvé un moment de crainte mortelle. Mais aussitôt que l’ouverture a été commencée, je me suis aperçu de l’impression qu’éprouvait le parterre et j’ai été complétement rassuré. L’effet a été terrible, volcanique ; les applaudissements ont duré près de cinq minutes. Après que le calme a été un peu rétabli, j’ai voulu me glisser entre les pupitres pour prendre une liasse de musique qui était sur une banquette du théâtre (car l’orchestre est sur la scène). Le public m’a aperçu. Alors, les cris, les bravos ont recommencé ;