Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/385

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combien j’ai été frappé des belles choses que contient, en grand nombre, votre dernière partition. Ce sujet d’« Ondine » vous a on ne peut mieux inspiré ; et le style harmonique et méthodique de cette grande œuvre brille autant par la vérité de l’expression que par une distinction constante et une fraîcheur juvénile bien rares partout aujourd’hui. L’ouverture est une des plus heureusement trouvées que je connaisse ; il y a là des effets de rhythme syncopé qui m’ont fait bondir de joie. Le premier chœur, l’air d’Ondine d’un charmant coloris, le premier final si franc et si chaud, la prière avec accompagnement de violons, le morceau splendide de la fête, le deuxième final, la marche et tant d’autres passages que je pourrais citer, prouvent une invention, un goût et un savoir de premier ordre et vous placent à un rang bien haut parmi les compositeurs actuels. Mais, pour vous tout dire, j’étais sûr de cela avant de vous avoir entendu. Quand on aime et respecte la musique comme vous l’aimez et la respectez ; quand on en parle comme vous en parlez et qu’on a la pratique de l’art que vous avez, on doit écrire de la sorte. Tout cela s’enchaîne : tout cela désole aussi, si l’on pense aux moyens d’exécution qui deviennent de plus en plus introuvables. Et je ne sais si cet Anglais qui demandait dans un de nos grands restaurants de Paris un ténor ou un melon pour son dessert avait raison de laisser le choix au garçon. Moi, je demanderai toujours le melon ; il y a beaucoup plus de chances avec lui d’éviter les coliques ; le végétal est bien plus inoffensif que l’animal.