Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/64

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Et amicus maneas
Neo-Wimarorum[1].


Vives, crescas, floreas, répétait le chœur des convives, en buvant du vin de Champagne : il n’y a que les Allemands pour s’amuser de la sorte. Berlioz, triste et préoccupé, ne retrouvait un peu de gaieté que hors de chez lui, au milieu de ces populations étrangères qui lui décernaient des honneurs dignes d’un proconsul mené au Capitole. Il venait de perdre sa femme, Henriette Smithson, et de se remarier avec mademoiselle Récio, l’ex-cantatrice de Bruxelles, dont le talent n’était pas toujours à la hauteur de l’ambition, si nous en jugeons par ce fragment de correspondance : « Plaignez-moi, mon cher Morel ; Marie a voulu chanter à Mannheim et à Stuttgart et à Heckingen. Les deux premières fois, cela a paru supportable, mais la dernière !… et l’idée seule d’une autre cantatrice la révoltait[2]… »

Indépendamment de ses ennuis privés, Berlioz ne manquait pas non plus de tracas officiels ; ainsi, à l’Exposition de 1855, on lui infligeait la charge de membre du jury, sous prétexte qu’à l’Exposition de Londres il avait rempli le même office ; on souffrait que, la veille de l’ouverture, il organisât un immense Te Deum à Saint-Eustache ; mais, pour la fermeture, on lui commandait une cantate, l’Impériale :

Du peuple entier les âmes triomphantes

Ont tressailli, comme au cri du destin,
Quand des canons les voix retentissantes

Ont amené le jour qui vient de luire enfin !…

Si l’Impériale passa comme une étoile filante, le Te Deum marqua davantage ; quand on grava ce gigantesque mor-

  1. Gazette musicale, année 1855, p. 171.
  2. Lettre à M. Auguste Morel, datée de Francfort.