Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/89

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jusqu’à la frontière, sans quoi la lettre ne me parviendrait pas.


VIII.

À MM. GOUNET, GIRARD, HILLER, DESMAREST, RICHARD, SICHEL.


Nizza, le 6 mai 1831.

Allons Gounet[1], lisez-nous cela.

D’abord je vous embrasse tous ; je me réjouis de vous revoir encore, de me retrouver auprès d’amis dont l’affection m’est si chère, de parler ensemble musique, enthousiasme, génie, poésie enfin. Je suis sauvé, je commence à m’apercevoir que je renais meilleur que je n’étais, je n’ai même plus de rage dans l’âme… Comme je ne vous ai pas écrit depuis mon départ de la France, il faut que je vous conte mon voyage.

Je me suis embarqué à Marseille sur un brick sarde, faisant voile pour Livourne. Ce trajet se fait ordinairement en cinq jours avec un temps passable, et nous en avons mis onze. Pendant la première semaine, nous étions accablés de calmes plats qui duraient tous les jours jusqu’au coucher du soleil ; ce n’était que pendant la nuit que nous avancions un peu. Ne sachant comment nous désennuyer, nous avions imaginé de tirer au pistolet sur le pont. La cible était un biscuit

  1. M. Gounet est le poëte qui a traduit en vers français les paroles de Thomas Moore sur lesquelles Berlioz a écrit de la musique.