Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/98

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que j’ai reçu la lettre de madame X…, la lettre où elle m’annonçait que sa fille se mariait !… Cette lettre est un modèle incroyable d’impudence ! Il faut la voir pour le croire. Hiller sait mieux que personne comment toute cette affaire avait commencé ; et moi je sais que je suis parti de Paris, portant au doigt son anneau de fiancée donné en échange du mien ; on m’appelait : « Mon gendre », etc.,… et, dans cette lettre étonnante, madame X… me dit qu’elle n’a jamais consenti à la demande que je lui avais faite de la main de sa fille ; elle m’engage beaucoup à ne pas me tuer, la bonne âme !

Oh ! si je m’étais trouvé seulement de cent cinquante lieues plus près ! Mais, brisons là ; ce que j’ai fait et ce que j’ai voulu faire n’est pas de nature à pouvoir être confié au papier. Seulement, je vous dirai que je me trouve ici, à Nice, par suite de cette abominable, lâche, perfide et dégoûtante ignoblerie. J’y suis depuis onze jours, et j’y reste à cause de la proximité de la France et du besoin impérieux que j’éprouve de correspondre rapidement avec ma famille. Mes sœurs m’écrivent tous les deux jours ; leur indignation et celle de mes parents est au comble.

Me voilà rétabli, je mange comme à l’ordinaire ; j’ai demeuré longtemps sans pouvoir avaler autre chose que des oranges. Enfin, je suis sauvé, ils sont sauvés ; je reviens à la vie avec délices, je me jette dans les bras de la musique et sens plus vivement que jamais le bonheur d’avoir des amis. Je vous prie tous, Richard, Gounet, Girard, Desmarest, Hiller, écrivez-moi chacun isolément une lettre. Je ne passe pas la frontière ; Vernet m’a rappelé hier qu’il était encore temps et que ma pension n’était pas perdue. Je lui