Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/157

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fois, les uns chantant, les autres rêvant et quelque peu philosophant. Une très-aimable dame voulait absolument savoir pourquoi vieillir, pourquoi souffrir, pourquoi mourir.

— Ah ! je conviens que vieillir, souffrir et mourir sont trois verbes sur la signification desquels on ne saurait trop gémir, et qu’il vaudrait mieux constamment jouir. J’avoue que grandir, parvenir à comprendre le beau, à connaître le vrai, sentir son intelligence et son cœur s’épanouir, pour, au milieu de cette sublime extase, voir peu à peu le mirage s’évanouir, l’espoir s’enfuir, est, sans mentir, une atroce mystification, et qu’on ne pourrait finir que par devenir fou, si l’on s’obstinait à l’approfondir. Mais, Madame, il y a dans cette souricière où nous sommes tous pris, dont l’amour, l’art, le poëme du monde, sont l’appât, et dont la mort est la trappe, bien d’autres choses qu’on ne s’explique pas. Permettez-moi de vous adresser une question : Savez-vous quel est le plus méchant des oiseaux ?

— Ma foi non, il y en a tant de méchants. Est-ce le vautour ? est-ce le pigeon qui tue ses petits ?

— Non ; c’est le pinson.

— Le pinson, ce folâtre chanteur, si gracieux, si jovial ? Allons donc ! et pourquoi ?

— On n’a jamais pu le savoir.

— Je comprends l’apologue. Seulement vous calomniez le pinson ; et, en disant que vieillir, souffrir et mou-