Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/162

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de leur sabre, et ne pérorent-ils que rarement sur nos institutions. Seulement on est forcé, comme au festin de Boileau,

De faire un tour à gauche et manger de côté.

Puis le service y est fort lent. Les poulets n’y ont que deux ailes ; quand il en reste une et qu’elle passe devant vous, vous la prenez, et vous êtes vexé, parce que le voisin, en son for intérieur, vous traite d’égoïste ; si vous ne la prenez pas par discrétion, vous êtes vexé bien plus encore. On y sert d’excellentes truites et des quantités de grenouilles (objet d’horreur pour les Anglais). D’où je suis forcé de conclure qu’à Plombières comme ailleurs, la table d’hôte n’est en somme qu’une piscine où l’on mange.

Après le dîner, tout le monde va dans la rue ; les dames étalent leur bouffante et ébouriffante toilette devant leur porte, sur des bancs, sur des chaises ; d’autres restent debout sur leur balcon, et toutes de s’entredévorer avec un zèle et une verve dont on a peu d’exemples, même dans les antres léonins de Paris. —

— Cette demoiselle bleue, oui, elle est jolie… encore… mais on a aperçu le haut de son bras hier au bal, et on y a vu… enfin c’est un malheur ! on ne viendrait pas à Plombières si l’on n’avait quelque infirmité.

— Ah ! cette dame si maigre, elle a une singulière idée des convenances, elle se permet d’exposer sa fille décolletée le soir depuis la nuque… jusqu’au lendemain.